Mélisande Teng a obtenu le prix de « overall best paper » pour Bird Distribution Modelling using Remote Sensing and Citizen Science data lors de l’atelier dédié à l'utilisation de l'IA dans la lutte contre la crise climatique à la conférence ICLR 2023 à Kigali, au Rwanda.
Doctorante à l’Université de Montréal et à Mila sous la co-supervision du fondateur et directeur scientifique de Mila Yoshua Bengio et du professeur Hugo Larochelle, elle a ainsi présenté son travail sur la modélisation de la distribution des oiseaux visant à mieux comprendre les relations entre les espèces et leur habitat et, à terme, faciliter les prises de décisions sur la préservation des écosystèmes.
Cartographier la distribution des espèces
Depuis deux ans, elle travaille sur un projet initié par le chercheur affilié à Mila David Rolnick cartographiant la distribution des espèces d’oiseaux aux États-Unis à partir de données d’images satellites et des rapports d’observations provenant d’utilisateurs de la base de données de suivi des oiseaux Ebird.
« L’idée, avec les images satellites, c’est de se concentrer sur des endroits où il y a eu des observations et d’entraîner un modèle qui puisse prédire la probabilité de rencontrer une certaine espèce à un certain endroit basé sur l’image satellite », explique Mélisande Teng.
Ce projet a été conçu pour faciliter le travail des écologistes souhaitant cartographier la distribution des espèces pour mieux comprendre les écosystèmes en utilisant des images satellites facilement accessibles et des données de science citoyenne pour améliorer le modèle informatique tout en minimisant les coûts.
Pour elle, la vraie valeur de l’apprentissage automatique réside dans la capacité des modèles à traiter et interpréter un très grand volume de données, car « essayer de modéliser les cooccurrences entre de nombreuses espèces différentes est extrêmement difficile avec des méthodes traditionnelles en écologie », explique-t-elle.
Très attachée aux applications concrètes de la recherche en IA, elle a pris soin de s'adapter aux données disponibles et de sélectionner les plus susceptibles d’être utiles aux écologistes.
Son modèle se focalise sur la distribution de 684 espèces d’oiseaux en juin aux Etats-Unis car les données y sont abondantes, mais à terme, elle voudrait l’étendre à d’autres saisons, territoires et espèces, et intégrer des données temporelles pour étudier les changements d'une année à l’autre.
Élargir le champ de recherche
Ce projet pourrait être généralisé et appliqué à d’autres tâches comme les distributions de papillons ou d’arbres. L’un des co-auteurs de l’article, Benjamin Akera, veut notamment l’adapter à l'Afrique de L’Est et ainsi transférer ce modèle à une autre réalité avec moins de données et des espèces différentes.
« Au-delà de simplement modéliser la distribution des espèces d’oiseaux, l’ambition initiale était d’utiliser les images satellites et la science citoyenne pour trouver des représentations (embeddings) de ce qu’est un écosystème car les espèces interagissent entre elles, mais pas seulement entre espèces d’oiseaux. »
« En ayant une image globale de ce qu’est un écosystème, on peut ensuite l'utiliser pour de nombreuses tâches différentes en écologie », selon Mélisande Teng.
Car pour elle, l’IA a un réel potentiel pour faire face aux enjeux liés aux changements climatiques et à la biodiversité: elle avait notamment contribué au projet de Mila « Ce climat n’existe pas » visant à sensibiliser la population aux conséquences des changements climatiques avant de se lancer dans son projet actuel.
« J’aime beaucoup ce projet car pour moi, la science est un moyen de donner du pouvoir aux citoyens, on ne peut pas faire de la recherche juste dans notre petite tour d’ivoire. »
« Je vois la science comme un moyen de restaurer ce lien entre les chercheurs, les citoyens et les décideurs. Mon projet n’est qu’une goutte d’eau, mais chacun dans son domaine peut essayer de mettre sa petite contribution », conclut-elle.