
La recherche en santé cognitive est un domaine qui étudie le fonctionnement de notre cerveau lorsque nous pensons, nous nous souvenons et nous apprenons au cours de notre vie. Combinée avec la recherche médicale et à la science de la réadaptation, elle nous permet d’étudier le comportement des patient·e·s lorsque leur état de santé évolue, que leur mémoire faiblit ou qu'ils ou elles subissent un traitement médical.
Ce type de recherche concerne des millions de personnes chaque année et peut aider les expert·e·s, les patient·e·s, les organisations et même les gouvernements à mieux comprendre notre cerveau et nos comportements.
Pourtant, il existe actuellement une lacune importante dans ce domaine de recherche : la plupart des modèles d'étude dont nous disposons sont incroyablement abstraits et indirects. Par exemple, les chercheur·euse·s demandent généralement à leurs participant·e·s ou à leurs patient·e·s en rééducation de réfléchir à leur propre comportement à l'aide d'un sondage, par exemple en remplissant une auto-évaluation de leur force ou leur équilibre en effectuant des activités quotidiennes. Mais ces questionnaires et sondages ne sont pas complètement fiables, car ils dépendent de l'auto-évaluation de la personne et reflètent rarement la réalité. Dans un monde de plus en plus numérisé, ces méthodes semblent presque dépassées.
Ce dont les chercheur·euse·s ont vraiment besoin, c'est d'un moyen de tester directement les capacités des patient·e·s. L'idéal serait de pouvoir placer des humains dans un scénario standardisé mais réalistes — comme des souris qui courent dans un labyrinthe et réagissent à leur environnement — afin de recueillir des données sur leurs performances et comportements. Malheureusement, la mise en place d'environnements de test à taille humaine n'est tout simplement pas réaliste pour la grande majorité des chercheur·euse·s en santé. Et si c'était possible ? Et si nous pouvions procéder à des évaluations de la santé dans des simulations grandeur nature afin de collecter des données de santé de haute qualité ? C'est cette question qui a conduit Kyla et Benjamin Alsbury-Nealy à créer la startup SilicoLabs à Mila.
Une innovation immersive
Pour améliorer la collecte et l'utilisation des données cognitives et comportementales, Kyla et Benjamin ont fondé SilicoLabs, une plateforme de réalité virtuelle (RV) et de réalité augmentée (RA) sans code permettant aux chercheur·euse·s de concevoir des simulations immersives d'environnements réels. On peut imaginer leur plateforme comme un jeu VR, mais où les chercheur·euse·s peuvent effectuer des évaluations de santé et collecter des données complètes, telles que des données de suivi des yeux, des mains et des mouvements, afin de mieux étudier la santé cognitive et comportementale de leurs patient·e·s.
Ces données peuvent ensuite être utilisées pour entraîner et tester des systèmes d'IA incarnés, car les chercheur·euse·s peuvent collecter des données sur le comportement humain, entraîner des modèles d'IA, puis utiliser le logiciel pour voir si ces modèles se généralisent à de nouvelles tâches. Pour les Alsbury-Nealy, il est essentiel de ramener le monde réel dans la recherche, et la recherche dans le monde réel :
« Si nous voulons que l'IA transcende notre écran et nous aide dans le monde réel, il faut pouvoir collecter des vraies données comportementales humaines. »

Des collaborations stimulantes à Mila
Dans les premiers jours de SilicoLabs, Blake Richards, membre académique principal à Mila, a présenté aux fondateurs l'environnement de recherche, l'écosystème des startups et le lab d'entrepreneuriat de Mila. Bien que le projet paraisse ambitieux — plusieurs autres grandes entreprises technologiques travaillaient sur des projets similaires avec beaucoup plus de ressources — les Alsbury-Nealy ont impressionné Richards avec leur produit initial. Ce dernier les a encouragés à rejoindre la communauté Mila, et il est aujourd'hui conseiller de SilicoLabs.
« Je me suis impliqué dans les projets de SilicoLabs parce que j'ai été bouleversé par leur logiciel. Il transforme complètement la capacité de mener des expériences neurocomportementales complexes en réalité virtuelle ou augmentée », explique Richards. « Je crois qu'il apportera une valeur considérable à quiconque cherche à obtenir des informations quantitatives sur le comportement humain, qu'il s'agisse de chercheur·euse·s scientifiques, d'analystes d'études de marché, d'ingénieur·e·s en IA ou de clinicien·ne·s. En plus d'être un de leurs clients, je suis fier d’être parmi leurs conseillers, et je suis très heureux qu'ils fassent partie de la communauté Mila. »
Kyla Alsbury-Nealy, COO de l’entreprise, souligne la valeur du soutien que SilicoLabs a reçu de Mila. Elle note que l’équipe était invitée à tant d'événements et d'opportunités de réseautage avec des chercheur·euse·s, et qu'ils ont si souvent fait l’aller-retour entre Toronto et Montréal, qu'ils ont décidé de déménager à Montréal pour faire partie de l'action à temps plein. SilicoLabs collabore désormais avec des chercheur·euse·s de plusieurs universités, dont McGill, l'Université de Montréal et Concordia.
« La communauté de recherche à Montréal et à Mila en particulier est très collaborative, très ouverte et vraiment à la fine pointe de la recherche », ajoute Benjamin. « Tout le monde est enthousiaste à l'idée de repousser les limites, ce qui est très rafraîchissant. »
Vers un plus grand impact
Pour l'instant, le logiciel créatif de SilicoLabs est principalement accessible sous licence académique, utilisé dans plus de 25 laboratoires de recherche, notamment à Stanford University, à l'Icahn School of Medicine, à l'Albert Einstein College of Medicine, à la Cambridge University et à KU Leuven. La startup souhaite mettre ce logiciel à la disposition des chercheur·euse·s universitaires et de leurs laboratoires, afin de promouvoir et de démocratiser l'innovation dans les espaces de recherche en santé.
Du côté des entreprises, les Alsbury-Nealy ont commencé à utiliser leur plateforme pour tester les produits et l'expérience des client·e·s pour de grandes marques internationales. Ils explorent également le secteur de la biotechnologie, où leur logiciel pourrait développer de nouvelles techniques d'évaluation de l'efficacité des produits thérapeutiques ciblant les troubles cognitifs ou la malvoyance.
SilicoLabs a pour but ultime de créer un impact dans le domaine de l'IA et de la santé. Son objectif principal est de combler les lacunes qui existent actuellement dans la recherche sur la santé cognitive et de mettre l'IA au service de cette recherche, en développant des systèmes d'IA qui étudient et imitent les comportements humains d'une manière sécuritaire et responsable.
Le deuxième objectif est d'aider les chercheur·euse·s du monde entier à mener la recherche novatrice et transparente qui, jusqu'à récemment, n’était accessible qu’aux grandes entreprises technologiques avec de grands moyens. En accordant des licences d'utilisation de ses logiciels aux universités, SilicoLabs vise à démocratiser la recherche et le développement de l'IA incarnée, en créant de meilleurs outils de recherche qui rendent les technologies de pointe plus accessibles aux chercheur·euse·s.