Au cours des dernières semaines, des personnes de différents horizons ont exprimé des inquiétudes face à l’utilisation de l’application mobile COVI pour aider à lutter contre la COVID-19. L’empiétement sur les libertés individuelles, la méfiance face à l’intelligence artificielle, la crainte de pénétrer dans une ère de contrôle des citoyens par l’État sont parmi les principales préoccupations qui ont été soulevées. Nous comprenons ces préoccupations.
COVI est développée selon les règles éthiques les plus strictes. Son conseil d’administration est indépendant du concepteur de l’application et ses membres ne reçoivent aucune rémunération. L’opération de l’application n’entraîne aucune activité commerciale et ne vise aucun profit. Le projet est transparent (www.covicanada.org). Les données recueillies par l’application COVI sont anonymes et seront détruites à la fin de la pandémie. Deux des plus grandes juristes canadiennes vont veiller à la probité de tout le processus : Mme Louise Arbour est présidente honoraire de l’organisme à but non lucratif COVI Canada; Mme Louise Otis est présidente du conseil d’administration de l’organisme.
Une autre réalité
La pandémie de la COVID-19 a fait basculer le monde dans une autre réalité. Face à un virus nouveau et potentiellement mortel, nos gouvernements ont agi avec une sévérité exceptionnelle en temps de paix. Pour contrer la transmission du virus, ils ont confiné les citoyens, fermé les écoles, gelé toute activité économique non essentielle, interdit les visites aux aînés en hébergement. Ces mesures extrêmes de privation des libertés ont sauvé des vies. Mais ont également provoqué des dommages corollaires au plan économique et social, malgré des mesures d’aide gouvernementales sans précédent.
Éviter le reconfinement
La pandémie semble maintenant sous contrôle, bien que la situation demeure fragile. Au Québec, ailleurs au Canada, dans plusieurs régions du monde, le déconfinement est amorcé. Mais l’ennemi invisible rôde toujours puisqu’il n’existe encore aucun vaccin ni réel traitement. Le risque d’une deuxième vague reste très présent. Toute éclosion non maîtrisée entraînerait un reconfinement. Nous sommes passés de la phase aigüe à la gestion quotidienne de la menace.
Une application pertinente dans les circonstances
Nous faisons face à des restrictions qui sont nécessaires pour notre sécurité; nous sommes face à un virus qui court toujours et tue encore. Ce sont ces circonstances inédites qui rendent pertinente une application comme COVI Canada. Ce n’est pas une solution normale à un problème normal. C’est un moyen exceptionnel pour répondre à une situation exceptionnelle.
L'application COVI a été conçue par des experts en épidémiologie, en médecine, en psychologie et en intelligence artificielle réunis par Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle. En installant COVI sur votre téléphone intelligent, et en répondant à des questions sommaires sur votre état de santé et le coronavirus, vous devenez, de façon anonyme, un émetteur et un récepteur d’informations. Vous vous placez aussi au service de l’intérêt public.
Prédire les éclosions
Les fonctions de traçage permettront de savoir si vous avez été près de personnes plus ou moins contagieuses et les fonctionnalités d’intelligence artificielle vous renseigneront sur votre niveau de risque, généreront des conseils sur les gestes à poser, et fourniront des informations aux autorités de santé publique sur la propagation du virus dans votre quartier.
La technologie permet une application « prédictive ». C’est-à-dire que les directions de santé publique, qui seront les seules destinataires des informations recueillies, pourront connaître à l’avance les lieux les plus probables d’éclosion et prévoir les mesures adéquates. Cette fonction préventive constitue un outil majeur de prévention.
COVI est un moyen de gérer la menace et d’éviter le reconfinement. Dans ces circonstances inédites, cette application constitue un moyen pour regagner un peu de liberté.
Valérie Pisano, présidente et chef de la direction de Mila
Yoshua Bengio, fondateur et directeur scientifique de Mila, professeur à l’Université de Montréal
Photo par Markus Spiske sur Unsplash