Il est difficile de minimiser l’importance de la lutte contre le changement climatique. Un rapport récent du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat indique que des changements radicaux et rapides dans l’économie mondiale sont nécessaires pour éviter d’accroître les risques liés au climat pour les systèmes naturels et humains. Un peu plus tôt cette semaine, un rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a identifié plus d’un million d'espèces animales et végétales menacées d’extinction par l’activité humaine.
Malgré cela, les préoccupations et la sensibilisation du public à l’égard du changement climatique ne correspondent pas à l’ampleur de la menace qu’il représente pour les humains et notre environnement. L’une des raisons qui explique cet écart, c’est qu’il est difficile pour les gens d’imaginer les effets complexes et probabilistes du changement climatique. Nous avons également de la difficulté à visualiser les répercussions de nos actions dans l’avenir, surtout s’il s’agit de conséquences sont long terme, abstraites et incompatibles avec notre identité et notre comportement actuels.
Pour surmonter ces défis, notre équipe, dirigée par le professeur Yoshua Bengio, travaille au développement d’un outil basé sur l’apprentissage automatique qui permettrait d’illustrer de façon personnalisée les effets probables du changement climatique sur un lieu précis qu’une personne connaît. L’outil génère, pour une adresse donnée, des images montrant les transformations susceptibles de s’y produire en se fondant sur un modèle climatique formel qui analyse des phénomènes météorologiques extrêmes.
« L’apprentissage automatique est un domaine inspirant, car il permet aux chercheurs d’avoir une incidence positive sur notre société tout en faisant avancer les connaissances scientifiques et les outils technologiques », mentionne Sasha Luccioni, chercheur postdoctoral à Mila.
Actuellement, l’outil en est au stade de prototype afin de voir s’il est possible d’utiliser des modèles génératifs pour créer des images personnalisées d’une inondation, un phénomène extrême dont la fréquence devrait augmenter si l’on se fie aux projections en matière de changement climatique (voir les images). Les versions ultérieures du modèle intégreront une plus grande variété de maisons et d’environnements, ainsi que différents types de phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses, ouragans, feux de forêt, pollution atmosphérique, etc.), afin de générer les répercussions prévues à un endroit donné à divers horizons de prévision.
Un autre élément clé de notre outil est l’ajout de « boutons de choix », qui permettront aux utilisateurs de visualiser les conséquences de leurs choix personnels, comme la décision d’utiliser davantage le transport en commun, et les répercussions de décisions politiques plus globales, telles que la tarification du carbone et l’augmentation des normes de portefeuille d’énergies renouvelables. Ces fonctionnalités sont fondées sur des recherches qui démontrent que des descriptions précises de la façon dont les mesures prises aujourd’hui influencent les résultats de demain incitent souvent les gens à changer de comportement : ils agissent alors davantage comme des personnes qui ont longuement réfléchi à la question.
L’équipe multidisciplinaire de Mila cherche à faire le pont entre la science du climat et l’apprentissage automatique. Par exemple, la création d’une représentation visuelle réaliste à partir des résultats numériques des modèles climatiques existants implique l’intégration de contraintes physiques à l’entraînement des réseaux antagonistes génératifs (GAN), de sorte que nous ne transformons pas seulement une maison pour la représenter inondée, mais nous prenons également en compte les caractéristiques physiques de l’inondation à un endroit donné. Nous explorons également les effets cognitifs et comportementaux de nos images, afin de déterminer quels types d’images peuvent inspirer les gens à prendre des mesures collectives et aider la population à soutenir davantage et de façon plus visible les mesures d’atténuation du changement climatique.