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16 Mai 2023

Guillaume Dumas reçoit un prix pour ses recherches sur le cerveau social et l’IA

Le chercheur associé à Mila Guillaume Dumas a reçu un prix Étoiles EFFERVESCENCE début mai 2023 pour son travail de recherche, notamment pour le jeu vidéo en réalité mixte Pop’Balloons visant à diagnostiquer et à favoriser l’inclusion des personnes autistes grâce à l’intelligence artificielle (IA). Le concours récompense trois chercheuses ou chercheurs du Québec pour leur contribution scientifique et pour leur collaboration avec l’industrie des sciences de la vie et des technologies de la santé.

« Ce prix est une belle reconnaissance du long et tumultueux chemin parcouru entre recherche fondamentale, translationnelle et appliquée. Ce projet a commencé avec des observations en laboratoire et des équations sur un tableau, puis s’est poursuivi à l’hôpital en interaction avec les soignants et les patients, pour finalement aboutir sur le design d’une solution avec des professionnels du numérique et du jeu vidéo, » explique Guillaume Dumas.

Dans Pop’Balloons, l’enfant doit faire éclater des ballons avec ses doigts selon un niveau de difficulté croissant à travers des lunettes de réalité mixte ne l’isolant pas totalement de son environnement immédiat. Cela permet de mesurer son temps de réaction et sa motricité, mais aussi ses capacités sociales et d’apprentissage grâce à un avatar en 3D adaptant son comportement à celui de l’enfant.

Le jeu permet aux chercheurs de collecter des données pour analyser grâce à l’IA la persévérance et la capacité à déceler des indices sociaux des enfants afin de faciliter le diagnostic d’un éventuel trouble neuropsychologique.

Synchronisation des cerveaux

Aujourd’hui professeur agrégé de psychiatrie computationnelle à l’Université de Montréal, Guillaume Dumas décrit son parcours comme ayant été « un peu chaotique, mais dans le bon sens du terme. »

Après un diplôme d’ingénieur, il s’est intéressé à l’astrophysique, la physique fondamentale, la génétique ou encore les neurosciences cognitives et sociales avant de se spécialiser en neuropsychiatrie et en IA.

« J’ai toujours été guidé par des questions fondamentales liées à la compréhension de la cognition humaine, notamment sa dimension sociale,» plus récemment dans les domaines de la santé et de ses troubles, explique-t-il.

Ses travaux ont démontré que les cerveaux humains se synchronisent lors d’interactions entre plusieurs personnes. Et si cela affecte le développement de la cognition sociale, ses recherches montrent aussi que l’intelligence humaine peut difficilement être abordée sans cette dimension sociale, et cela a des conséquences pour le champ de l’IA. Il a d’ailleurs récemment co-publié un article scientifique intitulé “Social Neuro AI: Social Interaction as the “Dark Matter” of AI.”

« Avec Mila, ça a été un bon fit quand je suis arrivé il y a deux ans car ça a créé une boucle, un cercle vertueux: je peux à la fois utiliser le machine learning pour les neurosciences cognitives et la médecine, et en retour, utiliser ces résultats pour aider au design de nouvelles générations d’algorithmes en intelligence artificielle.»

Il contribue ainsi aux recherches de la communauté à Mila dédiée à l’étude des intersections entre les neurosciences et l’IA (NeuroAI), dont font partie le fondateur et directeur scientifique de Mila Yoshua Bengio et les chercheurs affiliés à Mila Guillaume Lajoie et Blake Richards.

Essai clinique

Pop’Balloons est le fruit d’un projet de longue haleine débuté en laboratoire aux États-Unis puis poursuivi dans un service hospitalier en France.

« Les enfants autistes, qui sont assez directs, m’ont fait comprendre que mon avatar était pourri et que mon jeu vidéo était moche,» se remémore-t-il, amusé.

« D’une certaine manière, ces enfants autistes ont été les meilleurs conseillers. »

Au fil du temps, le projet a été raffiné pour aboutir à la version actuelle, finalisée en partenariat avec l’industrie du jeu vidéo.

Son laboratoire de recherche est désormais situé au CHU de Sainte-Justine, où le comité éthique vient de valider la tenue d’un essai préclinique afin de vérifier l’accessibilité et l’efficacité du jeu vidéo sérieux.

« L’essai que nous sommes en train de faire à Sainte-Justine vise à valider le fait de pouvoir faire une bonne classification pour le diagnostic, mais aussi de regarder par rapport aux standards cliniques à quel point nous pouvons prédire des mesures cliniques issus de tests neuropsychologiques validés ».

Une fois ces aspects diagnostic validés, l’idée est de poursuivre le développement du projet de l’évaluation vers l’intervention. Le jeu vidéo peut en effet s’adapter au joueur pour l’accompagner dans son apprentissage ou rééducation.

« Le monde du jeu vidéo partage d’ailleurs des points communs avec la psychologie du développement. Les développeurs cherchent à mettre le joueur en état de “flow”, cette zone à l’équilibre où la difficulté n’est ni trop faible et ennuyeuse ni trop haute et décourageante. Les psychologues parlent de zone proximale de développement pour les comportements qu’un enfant peut faire mais n’a pas encore exploré », conclut-il. 

Reproductibilité des résultats et accessibilité 

L’utilisation d’un casque de réalité mixte largement accessible (HoloLens) permet en outre une bonne reproductibilité de l’expérience dans n’importe quel contexte, et permet de simplifier le suivi des patients.

Cela permettrait par exemple de faire de la détection précoce dans des lieux isolés comme le Nord du Québec, où l’accès aux soins de santé spécialisés est plus difficile.

« D’un point de vue système de santé, ça peut être un outil très intéressant dans le contexte actuel où il y a des temps d’attentes énormes pour accéder à un neuropsychologue et faire des tests »

Guillaume Dumas précise que le même type de projet pourrait aussi être appliqué à d’autres cas en neuropsychiatrie et en santé mentale.

« Nous travaillons sur l’autisme mais cette approche peut être appliquée à de nombreuses autres conditions, c’est un concept beaucoup plus large. »